Amis clasheurs, bien le bonjour !
Nous avons profité de la qualification de Skyfroz en finale de la RedBull MEO pour prendre le temps d'une petite interview que voilà !
Il s'agit d'appréhender le monde de l'e-sport, simplement et compréhensible pour tous, à travers le parcours de Skyfroz, un des meilleurs joueurs français (pour ne pas dire plus).
Ce n'est pas une interview classique, j'ai préféré en faire un dialogue romancé, histoire que ce soit plus agréable à lire !
Enjoy !
Jensen Merigold : Bonjour ! Tout d’abord, merci d’avoir accepté cette interview ! Pourriez vous vous présenter brièvement ?
Skyfroz : Je m’appelle Yann *******, j’ai 19 ans. Je suis actuellement étudiant en 2ème année de BTS communication. A côté, je fais un peu de sport (salle de musculation).
J : Souhaitez vous que votre identité soit révélée ?
S : Je préfèrerai que mon nom reste anonyme. Je n'ai pas envie d’être harcelé sur FaceBook. (rires)
J : Depuis quand jouez vous à Clash Royale ?
S : Depuis la sortie officielle en France.
J : Depuis quand faites vous de l’e-sport ?
S : J’ai commencé après le premier défi CRL où j’ai perdu en quart de finale du top 32 européen. Donc quasiment 3 ans.
J : Incroyable ! Ça commence à faire du temps ! Et vous êtes si jeune ! (rires) Dites-nous, en quoi consiste l’e-sport sur CR ? Comment cela se déroule-t-il exactement ?
S : L’e-sport se décompose en deux grandes parties. Il y a les compétitions individuelles, online (donc directement depuis le jeu, chacun chez soi). Sinon, il y a les LAN. Celles-ci se jouent sur scène devant un public, le plus souvent pour gagner des gemmes, des Pass Royaux ou des cashprize plus ou moins élevés.
J : Les compétitions ont-elles toujours la même forme ? (NDLR : les futurs acronymes et termes techniques sont expliqués juste un peu plus loin !)
S : Non et heureusement ! (rires) Il y a de nombreux formats de compétitions. En autre, il y a les brackets simples, les brackets avec poules, des rounds swiss, ce genre de choses. Mais le plus gros de l’e-sport tend vers des formats de compétitions par équipes, mélangeant 1v1, 2v2 et koth.
D’ailleurs, le format le plus répandu est le suivant :
Premier round > 2v2 BO3. (c’est du 2v2 directement. pas 2x 1v1)
Deuxième round > 3v3 koth.
Troisième round > 1v1 BO3.
Un même joueur ne peut participer qu’à 2 rounds maximum, et la première équipe qui gagne 2 rounds est déclarée vainqueure.
J : Impressionnant ! Et qu’en est-il des modes de jeu ? C’est souvent pareil ?
S : Non, encore ! Ils sont très variés, comme les compétitions en deck miroir par exemple ! (rires).
J : En général, les compétitions se jouent en combien d’étapes ?
S : Le plus souvent, ce sont des phases de poules, suivies de 7 matchs.
(NDLR :
BO1 : littéralement Best Of One : un seul match, un vainqueur, un perdant.
BO3 : littéralement Best Of Three : au meilleur des cinq manches. Le premier qui en gagne trois à gagné.
Bracket → round à élimination directe. Par exemple, prenez le tableau de Roland Garros. C’est un bracket.
Bracket avec poule → premier tour en poule suivi de round à élimination directe. Par exemple, le format de la coupe du monde de football suit ce principe là.
Round Swiss : Groupe de 4 à 6 joueurs. Tout le monde s’affronte, et à la fin, ceux avec les 2 meilleurs scores passent. C’est un espèce de format de poule, en soi.
Koth : Deux équipes de 3 joueurs s’affrontent. Les 1v1 s'enchaînent jusqu’à ce que les 3 joueurs d’une équipe aient perdu 1 combat chacun. En gros, c’est un enchaînement de BO1 avec un max de 3 défaites. )
J : Plus concrètement, comme cela se passe-t-il pour s’inscrire aux compétitions ?
S : Quand c’est online, c’est accessible à tout le monde, mais certaines compétitions sont plus côtées et sont restreintes à l’accomplissement d’achievments passés (20 victoires CRL par ex). Sinon, à peu près tout se passe sur les réseaux sociaux. Il faut suivre les organisateurs de tournoi et différents joueurs, pour être au courant de tout.
J : Les compétitions se déroulent à quelle fréquence ?
S : Il y a parfois des temps morts de deux à trois semaines, et parfois je participe à sept compétitions simultanément.
J : C'est hallucinant ! (Rires) N'est-ce pas trop dur de coupler les études à tout ça ?
S : Les compétitions ont lieu le soir. Le plus souvent après 21h. Donc ce n'est pas très contraignant.
J : Vous êtes finaliste de la RedBull MEO, félicitations ! Comment cette compétition s’est-elle déroulée ?
S : C’était un bracket BO3 du début à la fin, en commençant au 512eme de finale.
J : Et vous êtes finaliste ? C’est absolument incroyable. Bravo ! Vous êtes un monstre ! (rires)
S : (rires) Merci !
J : Expliquez nous plus particulièrement votre parcours e-sport à nos lecteurs ! Comment en êtes vous arrivez là ?
S : Je vais essayer d'être concis (rires) :
J'ai tout d'abord pris goût à la compétition sur Clash Royale avec le premier défi "20 victoires" en 2017, que j'ai réussi à terminer. Suite à ce défi, j'ai rejoint ma première team Ad Esport. J'ai donc appris les bases de la compétitions en m’entraînant contre d'autres équipes françaises lors de matchs amicaux.
Venu le temps des compétitions, j'ai pu gagner ma première très grosse compétition en finissant premier de la RPL EU (compétition regroupant toutes les meilleures équipes européennes).
Après 1 an chez Ad esport, j'ai décidé de changer d'horizon en passant des tests pour rejoindre l'équipe e-sport de Nova French Army (1er clan français à l'époque). J'ai été accepté après avoir battu plusieurs testeurs chez eux ! Après trois mois, et suite à mes bons résultats dans l'équipe académique, j'ai vite pu me distinguer des autres joueurs. Il m'a été proposé de rejoindre l'équipe pro de la team. Et avec elle, j'ai gagné de nombreuses compétitions françaises, finissant souvent dans les tops finaux.
Cinq mois plus tard, je fus contacté par un manager de Team Liquid (la branche européenne) qui m'avait repéré. J'ai donc été recruté (leur équipe est très cotée. Une des meilleures en Europe). J'ai ainsi eu la chance de côtoyer de très bon joueurs semi-pro. Faisant parti d'une communauté européenne, il y a de nombreuses nationalités. Cela m'a permis de prendre rapidement de l'expérience, mais surtout du niveau, étant donné la fréquence élevée des compétitions européennes. Il faut savoir que le niveau européen est beaucoup plus élevé que le français pour la grande majorité des équipes.
Et puis, plus récemment, j'ai gagné le Redbull Meo, un des plus gros tournois individuel de l'année, contre les meilleurs joueurs français. Suite à cette performance, j'ai été contacté par de nombreuses équipes. J'ai alors fait le choix de rejoindre les pro de EmperiialCR, une team internationale que je représenterai à Madrid, lors des finales du Redbull Meo, et contre les meilleurs joueurs de chaque pays européens s'étant qualifiés.
La légende raconte que Jensen est resté bouche bée pendant 128 ans après avoir entendu cet incroyable palmarès.
Après avoir coupé sa barbe de quatre kilomètres et demi ainsi générée, il a pu reprendre l'interview :
J : Mais… Comment faites vous ? La question peut paraître bête mais je suis curieux ! Comment créez vous vos decks ? Vous inspirez vous de top players ? Allez vous sur deck shop pro ? Lisez vous l’article du Grand Jensen Merigold sur la construction des decks ?
S : (rires) Pour mes decks, je m’inspire beaucoup de différentes compétitions semi pro ou pro, rediffusées sur Twitch ou YouTube. De plus, sur Twitter, je me sers de Royale Pro, qui retransmet tous les decks 12 victoires en Super Défi, realisés par des joueurs ayant les 20 victoires CRL.
J : Impressionant !
S : Enfin, je regarde sur Royale Api les meilleurs decks du moment pour voir lesquels disposent des meilleurs win rate. (NDLR : win rate = taux de victoire)
J : En d’autres termes : assez peu de place à l’improvisation dans tout ça. Tout est chiffré et factuel. Mais bon, pour atteindre un tel niveau, rien d'étonnant.
S : Oui. Après, libre à moi de choisir des decks avec lesquels je suis le plus à l’aise.
J : Je ne vous ai pas entendu citer Deck Shop Pro. N’y allez vous pas ?
S : Non, pas du tout. Deck shop pro est théorique. Je préfère me baser sur le factuel.
J : Quand vous dites “les decks avec lesquels je suis le plus à l’aise”, à quoi pensez vous, exactement ? Quel est votre profil de joueur ? Plutôt bait, plutôt tank + assist ?
(NDLR : les decks bait sont ceux dont le but est de grappiller petit à petit les points de vie des tours)
S : J’affectionne plus particulièrement les decks rapides qui cyclent vite. C’est l’idéal pour bien contrôler mes matchs.
J : Ceci étant, cela vous arrive-t-il de jouer des decks à cycle (très) lent, ou pas trop ?
S : Absolument. Je joue de tout. Ne pas être prévisible par l’adversaire est strictement nécessaire. Jouer des decks variés, c’est la clé. C’est ce qui différencie les bons joueurs des très bons joueurs. Ces derniers jouent et maîtrisent différents archétypes, mais cela reste très difficile.
J : Reprenons la compétition dans laquelle vous êtes en finale. La RedBull MEO, qui se déroule en bracket BO3. Dites nous, les trois decks que vous utilisez sont-ils différents à chaque étape de la compétition ? Qu’ils soient différents sur un même round est évident, mais entre chaque round, doivent ils changer ?
S : Premièrement, je ne joue jamais le même deck deux fois d’affilée. Comme je le disais, je mets un point d’honneur à ne pas être prévisible.
J : Et deuxièmement ? (rires)
S : J’ai fait cette compétition avec sept decks différents que je varie beaucoup pour ne pas me faire snipe.
(NDLR : “se faire sniper” veut dire que l’adversaire a plus ou moins prévu votre deck à l’avance. )
J : Variez vous vos decks dès le début ou gardez vous la surprise ?
S : Sur les trois premiers tours, j’ai joué le même deck à chaque partie pour ne pas dévoiler mes autres decks trop vite. Je savais que le début serait facile.
J : (rires) C’est très malin de votre part.
S : Merci. Il faut savoir que sur ce genre de compétition à enjeu, les joueurs consultent Royal Api pour avoir un aperçu des decks utilisés par leur futur adversaire.
J : Une vraie compétition d’espionnage ! (rires) D’ailleurs, la finale a lieu quand ?
S : En février !
J : C’est loin ! Sachez que je vous souhaite de tout coeur de la gagner !!
S : Merci ! (sourire)
J : En ce qui concerne Clash Royale, j’aimerais savoir comment vous vous entraînez. Faites vous du ladder (quel y est votre record) ? Plutôt Super Défi ?
S : Je n’affectionne pas particulièrement le ladder. Si vous n’avez pas les bonnes cartes méta de maxées, c’est difficile t’intégrer le top 1000. Mon record est à 7000 trophées. Je joue principalement au jeu pour son aspect compétitif.
(NDLR : la méta représente l'ensemble des cartes pour lesquelles les statistiques leur sont plus particulièrement profitables. Elle change a chaque saison, après les équilibrages décidés par l'éditeur)
J : Donc plutôt compétitions et Super Défi ?
S : Plus particulièrement, oui. Je ne fais du ladder que pour remplir les emplacements de coffres.
J : Combien d’heures jouez vous, par jour ?
S : Une heure trente, environ. Je m’entraine énormément en combat amical. Sinon, plutôt deux heures quand il y a compétition. Je joue le soir après manger !
J : Pendant la digestion, excellente idée.
S : Oui ! (rires)
J : Nous parlons beaucoup de ladder, de 1v1, de Super Défi, etc… Mais est-ce que vous jouez un peu en 2v2 ? Je suppose que oui, sachant que certaines compétitions l'exigent.
S : Effectivement, j’ai dû m’y essayer, mais je ne maîtrise pas assez ce mode pour briller à un très haut niveau de compétition. C’est trop différent du 1v1. Je me concentre donc beaucoup plus sur le 1v1, et je laisse le 2v2 à mes coéquipiers spécialistes. (rires)
J : Allez, un peu de concret ! Quelle est votre carte préféré ?
S : L’Archer Magique !
J : Et celle que vous détestez le plus ?
S : L’arc-X ! (rictus désabusé)
J : Y a-t-il des carte sous côtées que vous affectionnez particulièrement ?
S : Le chevalier et le gel. (Oui, elles sont sous côtées en compétition)
J : C’est surement indiscret mais… Avez vous un salaire en tant que ProGamer sur CR ?
S : Actuellement non, mais au niveau semi pro, j’en aurais bientôt un.
J : Je ne suis pas sûr de comprendre. A ce niveau là, vous n'êtes pas pro ?
S : Non. Je suis semi pro dans le sens où j’ai un team semi pro européenne : la Team Liquid Académie Eu. Mais tous les joueurs semi pro ne sont pas sous contrats.
J : Sauf que pour vous, cela va se produire ?
S : Je vais l’être pour représenter une structure à la LAN de Madrid, oui.
J : Incroyable ! Félicitations !
S : Merci beaucoup ! (sourire)
J : Pour terminer, quel est votre profil de joueur ? Plutôt impassible ? Colérique ? Calme et posé ?
S : Je suis très calme, très posé. Je n’ai jamais ragé sur CR.
J : Même pas un petit nom d’oiseau quand vous voyez un ARC-X ?
S : (rires) Jamais. C’est nécessaire pour pouvoir revenir dans toute situation.
J : Une bien belle conclusion. C’est une phrase de champion. En tout cas bravo pour tout, et merci pour le temps que vous m’avez accordé !
S : Merci à vous, c’était un plaisir.
Twitter de Skyfroz : https://twitter.com/Skyfroz_
Interview de Skyfroz, un des meilleurs joueurs français de Clash Royale, réalisée par Jensen Merigold.
(ps : j'aurais préféré dire "du monde", mais sa modestie l'en empêche. Un grand champion, que je vous dis !)